Friday 28 April 2017

Absence de Christ

En tant que chrétiens, nous sommes des fois inconscients de certains paradoxes qui s'entremelent de notre foi. Certains paraissent surmontables, comme la découverte que non seulement notre planète est beaucoup, beaucoup, beaucoup plus ancienne que l'interprétation offerte de nos prédécesseurs "illuminés" et "modernes", mais aussi que les textes de la génèse n'ont été ni posés ni composés d'un esprit de rapport policier. Cela est toute une histoire qui illustre simplement que le chemin de l'interprétation de nos textes évolue, surtout lorsqu'on se donne le temps et se permet l'humilité de chercher le(s) sens que les textes ont forcément portés avec eux au fil du temps. Si je parle de cette manière, c'est bien grâce à l'influence de mon ami, Barney Asprey, qui me pose le défie de prendre plus au sérieux les précautions dévelopés par Paul Ricoeur, parmi d'autres, à ne pas aller trop vite dans une science de la foi. Heureusement, nos textes bibliques sont très chargés de genres divers, notamment celui du recit, qui porte un objectif ne serait-ce que dans l'objectif de la retransmission. Une fois détaché de sa source - l'esprit, la main et les révisions de l'auteur - le texte se déchaîne. Il vit. Dans le cadre d'un texte religeux, canonisé, il devient litéralement une parole éternelle, forcément parole donc de Dieu.

Je m'excuse pour cette parenthèse, parce que la vraie direction que je voudrais prendre ce soir est l'ascension de Christ. Ayant déjà publié une courte réflexion sur le sens de la résurrection de Christ ici (en anglais), je souhaite passer, à ce moment opportun donc, à son exaltation. Cependant, pas uniquement à son exaltation, qui représente un pas supplémentaire chargé de sens, mais à l'absence de Christ. Attention, je ne dis pas que Christ est absent absolument, pas du tout, puisque nous lisons très clairement déjà dans l'évangile selon Matthieu que "Je suis avec vous tous les jours, jusqu'à la fin du monde". Notez, cependant, que Jésus dit cela toute à fait dans sa phase de départ (même si l'auteur n'inclut pas l'ascension elle-même comme fait Luc). C'est à dire, je pars et je reste. Ceci parait paradoxal, et avant de proposer "une solution", je dois faire attention à ne pas prendre "la voie courte" de la simple compréhension. L'interprétation proposée par l'église se transmet dès la petite enfance. La première des premières leçons de l'école de dimanche est bien non seulement que Dieu t'aime, mais que "Jésus est dans ton coeur" (bien évidement, Dieu est Jésus et Jésus est Dieu à ce moment-là). Jésus est dans ton coeur. Ce n'est pas une banalité infantile; il s'agit d'une profonde réalité dynamique dans la vie de millions de Chrétiens de tout âge. Un peu plus tard, nos enfants apprennent que Dieu est aussi Esprit et Père, ce sont autres réalités qui s'attachent aux cheminement et vécu du chrétien.

En effet, nous apprenons que Jésus et le Père sont en nous par le biais de l'Esprit de Dieu. Etes-vous prêts pour un paradoxe de plus? Pour Dieu, son action indirect est aussi direct que son action direct, d'où l'inestimable importance du petit mot "dia" en grec. Donc, lorsque Jésus part physiquement de cette planète dans sa chair humaine, transformée selon le dessein de Dieu pour toute la création en état actuelle de soumission à la pourriture, il reste spirituellement parmi le peuple de Dieu, là où "deux ou trois sont rassemblés" en son nom. Qu'est-ce qu'on constate? Un départ qui prépare un déluge extraordinaire depuis le coeur, l'être même de Dieu de son Esprit envoyé par le Fils, qui rend présents père et fils... et chrétien, qui existe du coup comme jamais il n'a pu existé auparavant ! Jésus est donc rendu présent malgré son absence.

Mais pourquoi parler d'absence ? Ne suffirait-il pas de parler et se réjouir de présence?

Je dirais que non. Il est d'une grande importance de comprendre l'humanité de Christ, non seulement dans le sens ontologique, mais pour saisir d'où vient le nouveau testament. Bien évidemment, ce dernier suit "l'ancien" testament et, l'interprétation marcionne étant rejetée d'une force fatale, a continué à être porteur d'un sens profond d'un bon Dieu fier de racheter sa bonne création. En effet, même au delà du nouveau testament, les siècles de prominence gnostique et platonique, n'ont pas réussi à tenter "les fidèles"  à l'échappement de la prison corporelle, mais plus tôt à affirmer les convictions juives de l'ère du deuxième temple, que Dieu allait bientôt régler les problèmes ici.

Voyez-vous le lien? C'est bien pour ces raisons-là que "l'image" du Christ assis sur le thrône à la main droite de Dieu est plus qu'une image. En effet, c'est encore un paradoxe mes amis. Il faut qu'il en soit un. Le Christ réscucité n'a pas zappé ses os. Les molécules mêmes, si on suit une certaine logique moderne fondée sur la perspective juive transversale de l'époque (parmi les Juifs, en tout cas représentatif d'une démographie juive bien plus transversale que l'exception des Saducéens), seraient transformés dans une nouvelle physicalité entièrement animée par l'Esprit qui ne peut qu'émaner de la vie. Je commence à m'épuiser à compter les paradoxes maintenant, le nouveau star étant ce corps animé par l'esprit. Pour toute réclamation, on  peut s'adresser à St Paul...

L'interprétation orthodoxe, beaucoup ne le savent pas peut-être, dis qu'une fois que le Christ a incarné la chair, en naissant par Marie, que son incarnation est à perpétuité. Selon cette tradition, qui pour moi est riche de sens, Jésus portera éternellement ses cicatrises. Visiblement. Physiquement. Revenons-nous au paradoxe principal qui m'a poussé à mettre de l'encre sur ma plume ce soir. Ce Jésus physique et visible est à la droite du Père. Il n'a qu'à tourner sa tête à gauche et il pourra regarder son Père directement dans ses yeux et échanger le regard qui a transformé l'histoire du monde.

N'oublions pas, et il faut tellement insister dessus, peut-être sur un appui solide telle que la référence The Resurrection of the Son of God, par N. T. Wright, que les premières générations de chrétiens - également juives - ont compris cette résurrection avec un langage qu'elles réservaient pour le gros ménage du Printemps de Dieu, son apocalypse. Sauf que la résurrection qui était prévue pour cette époque  a déjà eu lieu à Pacques. "La résurrection" a été décisivement scindée en deux; d'abord pour Christ, et puis ce sera pour son peuple (mettant de côté un passage complexe à la fin de l'apocalypse de St Jean). Ce gros ménage divin (j'aime bien l'appelation de John Dominic Crossan du great divine clean-up), par définition, ne peut pas être que symbolique. Si la résurrection est comprise comme surtout un miracle, il serait étonnant pour certains de réaliser la vitesse à laquelle on peut vouloir, de nouveau, s'échapper de cette prison corporelle/naturelle. Ce à quoi nous aspirons est un peu comme un échappement sans doute, mais ceci est un détournement profond et fatal des interprétations précoces. Le surnaturel a transformé le naturel. D'où ma question ce soir (il y a tellement de choses à dire à ce sujet mais il est tard et je ne veux plus avoir ce paradoxe à résoudre demain - je suis assez sûr de ne jamais trouver une réponse suffisante), comment peut Jésus être compris comme à la droite du père incorporel, et le père à gauche de son fils corporel ?

L'absence du corps de Christ dans le tombeau où sont allées les femmes le dimanche matin devrait nous parler encore aujourd'hui. Un Christ absent pourrait être présent avec son Père dans nos coeurs, sans doute, mais un Christ absent est paradoxalement en position d'autorité suprême, "présent" avec son père, notre père. Rappelons-nous aussi qu'un Christ rescucité en situation de règne terrestre aurait eu des limites fortes: grande difficulté pour les femmes et les hommes à ne pas croire dans sa résurrection (homme qui ne vieillit jamais, roi d'Israël, ...). Il paraît que notre Dieu apprécie le pas de foi que de nombreux apologètes chrétiens se sentent missionnés d'enlever des chrétiens qu'ils "servent". Un Christ ici présent, du point de vu interprétation ontologique, aurait satisfait les promesses messianiques différemment, même suite à l'acte décisif divin de sa résurrection. Sans partir pour régner sur le cosmos entier à la droite de Dieu, il serait sans doute "un fils de Dieu" dans un sens plus poussé que David, mais toujours bien moins qu'un égal à Dieu lui-même.

L'absence de Christ serait donc aussi important que sa présence. En tout cas, selon moi, Barney ;)

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